En 1998, le consensus à l’égard du Japon était pessimiste. En raison d’un système financier mal réglementé, d’une piètre répartition du capital et d’une mauvaise gouvernance d’entreprise, le rendement du marché boursier japonais était pitoyable. Lors d’un voyage de deux semaines, Tony Arrell et Richard Rooney, président et vice-président du conseil de Burgundy, ont rencontré des dirigeants d’entreprises et des analystes, des économistes et des stratèges afin de mieux comprendre le potentiel inexploité du pays. À une époque que l’on baptiserait plus tard la décennie perdue en raison de sa stagnation économique, ils ont entrepris de déterminer si le Japon présentait des occasions de placement. Le soleil se lève aussi souligne l’engagement de Burgundy envers l’approche de placement axée sur la valeur et nous rappelle que cette valeur ne se manifeste qu’en contexte de faiblesse.

 – Gestion d’actifs Burgundy, 2020


À la fin de l’année 1989, le Japon avait le vent dans les voiles. Effectivement, le modèle économique du pays était largement considéré comme étant l’un des meilleurs au monde. Sous la direction bienveillante et exceptionnellement compétente du ministère du Commerce extérieur et de l’Industrie, ou le fameux MITI, les sociétés japonaises étaient sans pitié pour les marchés et ne faisaient qu’une bouchée de leurs concurrents internationaux. Le cours des actions était imperméable aux problèmes des autres marchés et atteignait des niveaux étourdissants.

Grâce à l’argent de la petite caisse provenant de l’énorme excédent commercial structurel avec les États-Unis, les acheteurs japonais faisaient la chasse aux produits de luxe : le Rockefeller Center, le terrain de golf de Pepple Beach, Les tournesols de Van Gogh.

Huit longues années plus tard, ces joyaux avaient tous été vendus pour éviter la faillite ou bien liquidés pour cause d’insolvabilité. L’économie japonaise a connu une croissance moyenne d’environ 1 % au cours des années 1990, et, mis à part les marchés qu’elle domine, comme ceux de l’automobile, des appareils électroniques et d’autres créneaux technologiques et industriels, celle-ci semble plutôt marginale pour la plupart des acteurs du marché. Le marché boursier qui se proclamait le plus important du monde à la fin des années 1980 a chuté à environ 40 % seulement de son niveau de 1989, alors que la bourse américaine a augmenté de près de 200 %. Durant cette période, même le marché boursier canadien a réussi à augmenter d’environ 90 %. Le Japon subit le marché baissier le plus long et le plus sévère enregistré par un grand marché boursier depuis les années 1930.

Que s’est-il passé? Pour trouver des réponses, Tony Arrell et Richard Rooney, président et vice-président du conseil de Burgundy, se sont rendus au Japon lors des deux dernières semaines de janvier 1998. Ils ont alors visité les bureaux de vingt-cinq sociétés et ont rencontré les représentants de trente autres lors d’une conférence organisée par Nomura Securities. Ils se sont également entretenus avec des analystes, des économistes et des stratèges de Nomura, Morgan Stanley, SBC Warburg et Cazenove, ainsi qu’avec le personnel de l’ambassade du Canada. La grande question consistait à déterminer s’il valait la peine d’investir au Japon.

Il y a trois principaux éléments à l’origine du rendement déplorable du marché boursier japonais, soit un système financier mal réglementé et en piètre état, une mauvaise allocation du capital et une mauvaise gouvernance des entreprises. Bien sûr, il y a eu d’autres problèmes graves sur les plans politique et économique. Cependant, comme Burgundy s’intéresse au rendement des marchés boursiers, nous nous en tiendrons strictement aux phénomènes liés au marché.

MAUVAISES BANQUES

Les banques sont un boulet au pied de l’économie japonaise. Elles sont au coeur de l’ancien système japonais, fortement réglementé et axé sur les participations croisées. Chacune des grandes banques, comme Dai Ichi Kangyo, Fuji ou Sumitomo, est à la tête d’un groupe industriel appelé keiretsu. Le groupe comprend généralement des dizaines, voire des centaines de sociétés appartenant à divers secteurs d’activité. La banque commerciale principale détient des actions de toutes les sociétés du keiretsu et leur accorde également des prêts à des taux très avantageux. Quant aux sociétés de ce conglomérat, elles détiennent des actions des banques, mais aussi de leurs consoeurs. Si l’un des membres du keirestu est aux prises avec des difficultés financières, il est « réhabilité » grâce aux sociétés en tête du groupe. Les tiers peuvent obtenir des prêts, mais à des taux d’intérêt élevés, et bien souvent, les véritables tiers, comme les entrepreneurs, ne peuvent tout simplement pas obtenir de prêt.

« Les banques sont un boulet au pied de l’économie japonaise. Elles sont au coeur de l’ancien système japonais, fortement réglementé et axé sur les participations croisées. »

La réglementation japonaise reconnaît quatre types de banques, c’est-à-dire les grandes banques, comme les trois mentionnées ci-dessus; les banques de crédit à long terme, comme l’Industrial Bank of Japan; les banques de fiducie, comme la Mitsui Trust & Banking; et les banques régionales, comme la Shizuoka Bank et la Bank of Fukuoka. Les grandes banques, qui représentent la principale source de financement des entreprises japonaises, offrent des marges de crédit classiques, alors que les banques de crédit à long terme accordent plutôt des prêts à terme de longue durée. Les banques de fiducie, quant à elles, sont des institutions de dépôts qui gèrent les caisses de retraite. Finalement, les banques régionales sont censées fournir des prêts aux petites et moyennes entreprises. On ne trouve pas réellement de marché d’obligations de sociétés, car le marché des obligations est principalement réservé à l’État japonais. Pour cette raison, les taux d’intérêt ne sont pas déterminés par un marché libre, mais plutôt par un mélange de réglementation et de relations.

Ce système fonctionne relativement bien jusqu’à l’arrivée de la bulle spéculative à la fin des années 1980. À cette époque, comme les profits astronomiques issus du secteur immobilier semblent être sans limites, les banques japonaises se mettent à injecter de plus en plus d’argent dans les sociétés immobilières et les entreprises de construction des marchés en ébullition du pays. Le point culminant est atteint en 1990. Les prix de l’immobilier japonais atteignent un sommet vertigineux (tous semblent se souvenir qu’en théorie, les terrains du palais impérial de Tokyo valaient alors autant que l’ensemble du territoire de la Californie), et ces sociétés détiennent auprès des banques japonaises des prêts non remboursés équivalents à 500 % ou 1 000 % de la valeur de leurs capitaux propres. La sûreté de ces emprunts était constituée de biens immobiliers à des prix manifestement gonflés.

Lorsque le rêve fait place à la réalité au début des années 1990, le gouvernement japonais est de connivence avec les grandes banques afin de rehausser la valeur des portefeuilles de prêts. Des mesures de stimulation d’une valeur de 570 G$ US sont mises en oeuvre pour maintenir la croissance économique, mais aussi pour donner aux secteurs de l’immobilier et de la construction les moyens de continuer à payer des intérêts, car les mesures visent majoritairement ces domaines. Une réglementation laxiste permet aux banques de faire peu de cas de leurs prêts non productifs, et le ministère des Finances ou la Banque du Japon n’exercent aucune pression pour que des prêts soient radiés. Même la Banque des règlements internationaux est dans le coup, car elle permet aux banques japonaises de comptabiliser en tant que capitaux propres leurs gains non réalisés sur les énormes portefeuilles d’actions détenus dans les sociétés des keiretsu.

Au regard de cet arrangement confortable, opportun et irréel, il nous vient en tête les propos du chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval qui, au lendemain du jour J, conseilla aux « collabos » de la chambre des députés de garder leur sang-froid puisqu’ils étaient tous ensemble dans le pétrin.1 Telle était essentiellement la position des banquiers et des autorités financières du Japon.

Puis, le marché s’emporte, comme il a tendance à le faire. La chute ininterrompue des prix immobiliers érode la base de garantie des prêts, alors que la baisse du cours des actions affaiblit le capital de base des banques, qui voient leurs gains en capital non réalisés disparaitre sous leurs yeux. Le solde des prêts non productifs se met à grimper malgré le laxisme des règles de divulgation des banques japonaises, et l’érosion du capital entraine une diminution des nouveaux prêts. Le résultat : une grave pénurie de crédit exacerbée par la tendance des banques japonaises à octroyer des prêts en fonction des participations croisées plutôt que du niveau de risque. La situation est alors particulière, car même si les taux d’intérêt sont extrêmement bas, la majorité des emprunteurs ne parviennent pas à obtenir un prêt. Tant que ce système de rationnement ne sera pas remplacé par un système qui distribue l’argent en fonction des écarts de taux d’intérêt des différents risques de crédit, comme le font la plupart des pays, le Japon demeurera prisonnier d’un marché à faible croissance, sur le bord de la récession.

L’ironie de la situation, c’est que si les mesures de stimulation à hauteur de 570 G$ US avaient servi à restructurer le système financier plutôt qu’à aider les entreprises de construction surendettées, le Japon se porterait aujourd’hui beaucoup mieux. Le pays aurait été en mesure d’assumer son rôle de leadership économique lors de la crise économique asiatique, faisant de notre monde un lieu plus sûr. Cependant, les demi-mesures des politiques gouvernementales semblent sans fin.

MAUVAISE ALLOCATION DU CAPITAL

Les lecteurs savent que nous critiquons vivement les sociétés qui font une répartition inefficace du capital. Hélas, c’est le cas de la plupart des entreprises japonaises. Le problème est double : il existe, d’une part, une culture de l’employé-roi, et de l’autre, un manque surprenant de savoir-faire financier.

Les politiques économiques du Japon moderne sont basées sur un accord implicite entre les industries et le gouvernement. C’est-à-dire que le gouvernement procure un État-providence rudimentaire et une réglementation favorable aux entreprises, tandis que les entreprises fournissent des emplois à vie et des avantages sociaux, notamment en matière de logement, de soins de santé et d’éducation. La garantie implicite des emplois à vie est la raison pour laquelle les sociétés japonaises sont sans cesse à la recherche de nouveaux marchés et produits qui permettront de déployer leur pléthore de main-d’oeuvre. Alors qu’en Amérique du Nord, une société dans un secteur pleinement développé chercherait à réduire ses effectifs ou même à se retirer de l’industrie, au Japon, les dirigeants d’entreprises n’envisageraient une telle mesure qu’en cas de faillite imminente. Normalement, ils préfèreraient se lancer dans un nouveau secteur d’activité afin d’y muter leurs salariés. De plus, le fait que les cadres sont rémunérés en fonction du nombre de travailleurs sous leur responsabilité, et non selon le rendement, rend la réduction d’effectifs que plus difficile.

Malgré ces contraintes, le Japon a réussi à maintenir un bon niveau d’emploi. Néanmoins, pour y parvenir, il a dû sauver de grandes entreprises qui dans d’autres économies auraient été contraintes à se restructurer ou à se dissoudre. En Amérique du Nord, ces sociétés manqueraient cruellement de capitaux tant qu’elles ne seraient pas en mesure d’obtenir un rendement acceptable sur leur capital de base réduit. Au Japon, des consortiums de banques leur accordent tout simplement des prêts et elles poursuivent leurs activités. Une fois de plus, les banques sont les grandes coupables.

Le système d’emploi qui repose sur l’ancienneté est généralisé à l’ensemble de la société japonaise. Chez Kyocera, l’une des plus grandes entreprises du domaine de la haute technologie au Japon, nous avons posé la question suivante : « si deux ingénieurs sont embauchés en même temps, et que le premier est un employé bien ordinaire, alors que le second est un virtuose, quels seraient leurs salaires respectifs dans dix ans? » On nous a répondu avec stupéfaction qu’ils gagneraient sensiblement le même salaire, mais que l’ingénieur talentueux occuperait un poste plus important au sein de la société. Au Japon, se voir confier de plus grandes responsabilités est la véritable récompense, pas la hausse de salaire. Néanmoins, de nombreuses sociétés, dont Kyocera, nous ont appris qu’elles embauchaient des cadres en milieu de carrière provenant d’autres entreprises, une pratique qui était inexistante jusqu’à tout récemment.

Ce système qui favorise l’employé-roi est un obstacle majeur à la productivité du capital, non pas du fait qu’il rend le marché de l’emploi très rigide, mais plutôt parce qu’il dénature presque entièrement la notion de rendement pour les actionnaires. Les nouveaux projets sont évalués principalement en fonction de leur possibilité de générer des emplois à court terme, et non de leur rentabilité à long terme. Ainsi, des concepts tels que le rendement du capital investi, les flux de trésorerie actualisés et le coût du capital sont très peu connus et utilisés au Japon. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des sociétés japonaises présentent des bilans qui ne prennent pas en compte les risques inhérents à leurs activités et que leurs taux de rendement des capitaux propres soient d’environ 3 %.

De plus, lorsqu’on est sans cesse à la recherche de nouvelles possibilités d’affaires et que l’obtention d’un prêt bancaire n’est pas assurée, il est évidemment sage de disposer d’une réserve abondante de fonds. Pour cette raison, un grand nombre de sociétés japonaises accumulent de très grandes sommes d’argent qu’elles laissent dormir des décennies durant. En matière de rendement du capital, il s’agit d’une stratégie tout à fait désastreuse.

Enfin, des politiques gouvernementales archaïques empêchent également les cadres dirigeants japonais de répartir les capitaux de façon efficace. Par exemple, les lois fiscales japonaises sont restrictives à l’égard des dividendes offerts aux particuliers par les sociétés, de sorte que le versement de dividendes supplémentaires est un moyen coûteux et peu efficace de remettre de l’argent aux actionnaires.

Par ailleurs, les rachats d’actions étaient interdits jusqu’à la fin de l’année 1994, et aujourd’hui ils demeurent relativement rares.

MAUVAISE GOUVERNANCE D’ENTREPRISE

En général, les cadres au Japon ne considèrent pas qu’ils travaillent pour l’ensemble des actionnaires ni qu’ils leur sont redevables de quelque façon. Cependant, bien que les actionnaires minoritaires soient généralement négligés, le sentiment de devoir envers les actionnaires importants du keiretsu demeure important. Effectivement, l’aversion des cadres japonais à l’égard des questions gênantes soulevées par des actionnaires minoritaires est telle que presque toutes les sociétés du pays organisent leur assemblée annuelle le même jour, à la même heure. Pire encore, une sorte d’industrie du chantage a vu le jour, dans le cadre de laquelle des personnes menacent de perturber le déroulement de ces assemblées et, parallèlement, proposent leurs services pour les « protéger » en échange d’un énorme cachet. Ces individus qui profitent de la crainte de l’humiliation des Japonais sont appelés des « sokaiya ». Les cadres japonais seraient étonnés de constater que les questions pointues et les obstructions scandaleuses caractérisent les assemblées générales annuelles en Amérique du Nord.

Au Japon, les conseils d’administration sont lourds et énormes, et le népotisme y est généralisé. On tourne le dos aux personnes de l’extérieur, car une nomination au conseil d’administration représente une récompense pour un long service, plutôt qu’une stratégie destinée à améliorer l’entreprise. Nous avons demandé à plusieurs cadres japonais de nous expliquer comment les membres du conseil d’administration étaient élus, et tous ont affirmé qu’ils étaient nommés par la direction. Le Canada peut difficilement jeter la première pierre à cet égard, car nous avons nous-mêmes de nombreux conseils d’administration inefficaces nommés par la direction, mais la situation au Japon est beaucoup plus grave.

« En général, les cadres au Japon ne considèrent pas qu’ils travaillent pour l’ensemble des actionnaires ni qu’ils leur sont redevables de quelque façon. »

On pardonnerait davantage aux cadres si seulement ils étaient eux-mêmes actionnaires, mais ce n’est généralement pas le cas. Les régimes d’options, qui ont pris une telle ampleur en Amérique du Nord que leur utilisation est devenue abusive, étaient interdits par la loi au Japon jusqu’à tout récemment. Ultimement, les dirigeants gèrent la société comme ils l’entendent, car ils n’en sont pas actionnaires, ne se sentent aucunement redevables envers les actionnaires autres que ceux du keiretsu, ne reçoivent aucune supervision ni correction de la part du conseil d’administration et n’ont généralement pas besoin de financement par actions.

L’HEURE LA PLUS SOMBRE EST CELLE QUI VIENT JUSTE AVANT L’AUBE

Ce récit laisse-t-il présager une bonne affaire? Pas vraiment. Toutefois, toute médaille a son revers. L’étonnant développement économique du Japon n’est pas survenu comme par magie. Il ne faut pas oublier que le pays est formé d’un petit groupe d’îles dotées de peu de ressources naturelles et qu’il est éloigné des autres grandes économies capitalistes. Jusqu’en 1868, la société et l’économie nippones avaient une structure féodale qui s’apparentait à celle d’un pays européen du XVIIe siècle, à l’exception bien sûr du niveau d’hygiène personnelle et du goût pour l’esthétisme bien supérieurs. Puis, cent-trente ans plus tard, le pays est une véritable puissance économique mondiale.

L’unique grande ressource naturelle du Japon aura été son peuple. En effet, les Japonais sont travaillants, coopératifs et font preuve d’une grande discipline. Ils croient fermement à l’instruction et au développement personnel, et ont fait preuve d’une étonnante capacité d’apprentissage et d’adaptation.

C’est peut-être la société qui, par instinct, est la plus axée sur la collectivité au monde. En somme, le Japon fonctionne par consensus, or il n’y en a pas encore sur les changements à adopter pour lui permettre de retrouver sa position de force. Par conséquent, le cheminement du Japon vers une solution sur le plan macro-économique pourrait bien traîner encore longtemps, car son secteur bancaire malade tire les niveaux de croissance vers le bas. Le recours à une solution comparable à la mise sur pied de la Resolution Trust Corporation aux États-Unis pour mettre un terme au système actuel semble peu probable. Cela étant dit, quand une solution émergera, elle sera sans doute typiquement japonaise et probablement très efficace, mais pour l’instant, rien ne laisse présager un consensus stratégique.

Heureusement, à petite échelle, on observe des signes encourageants. En 1995, deux sociétés japonaises ont racheté leurs actions; en 1996, elles étaient douze à le faire; puis l’année dernière, 117 sociétés ont annoncé qu’elles avaient racheté leurs actions. De nombreuses sociétés japonaises réduisent également la taille de leurs conseils d’administration et certaines y nomment même des tiers. En feuilletant un rapport annuel récent ou en s’entretenant avec des cadres japonais, on constate qu’il y a un intérêt accru pour le rendement des capitaux propres.

Certaines sociétés japonaises ont mis en place de modestes régimes d’options d’achats d’actions.

Le processus de déréglementation s’opère partout au pays. Bien qu’il s’agisse d’un des pays les plus réglementés au monde, les formalités administratives se sont peu à peu allégées. L’ampleur de la déréglementation de la société japonaise est telle que nous la considérerons comme une sorte de lente révolution. Dans les domaines des services bancaires, de l’assurance, du commerce de détail, des soins de santé et des télécommunications, l’ancien système est en train de disparaitre, mais tarde toujours à être remplacé. Une chose est sûre : le nouveau système sera davantage orienté vers le marché que son prédécesseur.

Le peuple japonais est parmi les plus économes de la planète. Ses réserves de liquidités, les plus importantes au monde, sont détenues dans des comptes bancaires à très faible rendement, car les Japonais s’intéressent davantage au remboursement de capital qu’au rendement compétitif du capital investi. Les économies des Japonais, y compris les caisses de retraite, s’élèvent à plus de 9 T$ US, et à peine 7 % de cette somme est investie en actions. En Amérique de Nord, presque tout le monde est directement ou indirectement exposé aux marchés boursiers, alors qu’au Japon, presque personne ne l’est. Cette armée d’investisseurs potentiels est imposante et elle possède beaucoup de munitions. Le secteur des fonds communs de placement est tout petit, mais prendra bientôt de l’ampleur avec l’arrivée sur le marché de Fidelity et de Merrill Lynch.

« L’unique grande ressource naturelle du Japon aura été son peuple. En effet, les Japonais sont travaillants, coopératifs et font preuve d’une grande discipline. »

Le Japon représente un marché boursier inexploité. Lors d’une conférence de Nomura, nous avons été surpris de constater le jeune âge des participants. On nous a expliqué que le marché au Japon avait été si mauvais pendant si longtemps que dès qu’une nouvelle recrue était embauchée au sein d’une société de gestion de placements, l’ancienne recrue lui refilait le dossier « Japon », heureux de pour pouvoir passer à l’analyse d’un marché parfois en hausse. La plupart des gestionnaires de placement ont sous-pondéré les actions japonaises durant toute leur carrière, ce qui, au cours des huit dernières années, a été un choix judicieux.

Les actions japonaises sont sous-évaluées. Un titre sur huit au Japon est un investissement « net-net », selon la stratégie mise de l’avant par Benjamin Graham, qui affirmait que si on utilise les actifs à court terme pour payer toutes les dettes, il reste tout de même plus de liquidités par action que le cours actuel de l’action. Une action sur trois cotées se négocie en dessous de sa valeur comptable. Un rendement du dividende supérieur au rendement obligataire sur 10 ans (certes, d’un infime 1,5 %) est chose courante.

CONCLUSION : INVESTIR

La valeur n’apparait que lorsque le contexte est sombre et il y a beaucoup de noirceur au Japon en ce début de 1998. Nous considérons que la perception extrêmement négative du Japon offre en fait des possibilités. Le contraste avec les marchés nord-américains est saisissant : la frénésie a gagné l’Amérique alors que l’apathie règne au Japon. À choisir entre les marchés nord-américains, où les conditions sont idéales pour les investisseurs boursiers, ou le Japon, où les problèmes sont particulièrement évidents, la plupart des gens n’hésiteraient pas à investir en Amérique. Pourtant, si c’est la perspective d’une amélioration qui influence le prix des actions, à quel point les choses peuvent-elles encore s’améliorer aux États-Unis?

Les risques au Japon concernent le court terme et peuvent être considérables. En effet, une bonne vieille crise financière pourrait très bien mener à un piètre rendement boursier à court terme. De plus, une dépréciation du yen risquerait d’aggraver la situation. Ce qu’il ne faut toutefois pas oublier, c’est que dans une certaine mesure, ces risques sont connus et pris en compte dans le cours des actions. Une crise pourrait bien mener au consensus dont le Japon a besoin pour agir et qui a semblé lui échapper jusqu’ici.

Les points forts du Japon passent inaperçus alors que ses points faibles sont gonflés. Là où il y a de la valeur et un potentiel inexploité, il y a des occasions. C’est donc le moment d’investir au Japon.

 


1. Laval, Pierre. Discours à la Chambre des députés. 1944.

 

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