Dans les premières semaines de ma carrière sur les marchés de capitaux, soit vers la fin 1984, j’ai participé à une discussion sur l’économie mondiale.

Le secteur pétrolier était en crise et tous les marchés émergents étaient en défaut de paiement sur les prêts massifs offerts par les banques occidentales. Le dollar américain était fort, provoquant l’exode du secteur manufacturier américain. Les taux d’intérêt réels étaient exorbitants et on s’attendait généralement à un retour de l’inflation des années 70, à mesure que l’économie se renforçait.

Après que toutes ces mauvaises nouvelles nous aient été présentées, le gestionnaire de portefeuille senior présent dans la salle a simplement dit :

« Le marché boursier escalade un mur d’inquiétude. »

J’ai été impressionné par la nature succincte et imagée de ce vieux proverbe boursier. J’étais loin de me douter de la hauteur que le marché allait atteindre et de l’ampleur des murs d’inquiétude qu’il devrait surmonter au cours de ma carrière.

Les banques centrales ont fourni l’échelle permettant au marché de franchir ces murs. Plusieurs banques américaines étaient dans le pétrin en 1984 et, en réaction, la Réserve fédérale a abaissé les taux d’intérêt et fourni des liquidités au système. À l’époque, nous ne comprenions pas le lien direct entre l’assouplissement monétaire et le prix des actifs financiers. Le puissant marché haussier des années 1980 qui en a résulté nous a tous pris par surprise.

Les crises se succédant et la politique monétaire devenant de plus en plus extrême, les marchés se sont rapidement redressés à chaque fois que les autorités monétaires ont ouvert les robinets.

Jamais ce phénomène n’a été aussi visible qu’au cours des deux derniers mois. La réaction instantanée et massive des autorités à la crise de la COVID-19  a provoqué un formidable redressement des marchés  ̶  bien avant même que la reprise économique n’ait commencé. Au moment où j’écris ces lignes, l’indice NASDAQ, qui est très axé sur la technologie, est devenu positif depuis le début de l’année 2020. La plupart des indices boursiers mondiaux n’enregistrent plus qu’une baisse modeste.

Il existe un autre proverbe, tout aussi concis et alarmant :

« Achetez à la rumeur, vendez aux nouvelles.»

Si le mur de l’inquiétude explique la reprise des marchés en avril 2020, la prépondérance de la rumeur sur les nouvelles explique pourquoi cette reprise est l’objet d’autant de méfiance.

La cascade de mauvaises nouvelles que nous attendons au cours des prochains mois pourrait ne pas déclencher d’autres corrections boursières. Ironiquement, il se peut que ce soit la  « bonne nouvelle » qui entraîne la formation de quelques poches d’air. La forme et la vitesse de la reprise sont extrêmement incertaines et dépendent de l’interaction des directives gouvernementales et des statistiques sanitaires.

Il n’y a donc aucune raison d’être pressé de participer à la reprise, car il y a maintenant beaucoup de place pour la déception. D’autre part, il n’y a pas de fin prévisible pour l’activisme des banques centrales, il y a donc probablement un plancher aux corrections. Nous pourrions alors connaître des marchés en dents de scie au cours des prochains mois, lorsque la bourse « grimpera le mur d’inquiétude » et « vendra les nouvelles ».

Lors de son assemblée annuelle, Warren Buffett s’est montré nettement moins encourageant qu’à l’habitude et n’a cessé de faire référence aux incertitudes et au large éventail de résultats économiques potentiels. Il est toujours optimiste, mais il avait nettement une vision à long terme. C’est l’attitude à adopter.

Si quelqu’un m’offrait de partir un an à bord d’une machine à voyager dans le temps, je ferais deux observations : premièrement, je serais fortement tenté d’accepter l’offre puisque je prévois une année complexe et difficile; et deuxièmement, je suis presque certain que je m’éveillerais dans une situation améliorée tant du point de vue de la santé publique que du point de vue économique. Cela présume donc que le marché boursier, à quelque niveau que ce soit, serait à nouveau fondé sur une base solide de caractéristiques fondamentales.

Il y aura probablement des retraits et des rebonds au cours de l’année, comme le prédisent ces deux proverbes, mais les grandes tendances en matière de santé et d’emploi devraient être positives, et cela tend à être bon pour les investisseurs. Si vous avez organisé vos finances de manière à disposer de liquidités pour répondre à vos besoins, gardez le cap. Et surtout, restez en sécurité et en bonne santé.

Respectueusement partagé,

Richard Rooney, FCPA, FCA, CFA
Président et chef des placements

 


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