Allocution de Tony Arrell au CFA Institute, le 13 mai 2008 à Vancouver (Canada).


Chaque année, il se crée dans le monde des centaines de sociétés de gestion de placements, mais seule une faible proportion de ces jeunes entreprises sont susceptibles de connaître une réussite durable, tant du point de vue du rendement que de l’atteinte d’une masse critique d’actifs sous gestion. Si l’on tient compte des frais, la plupart de ces sociétés ne parviennent pas à surpasser le rendement de l’indice à long terme. Un faible pourcentage réussira à accumuler un actif sous gestion d’environ un milliard de dollars sur une période de 10 ans. Mais moins nombreuses encore seront celles qui se rendront à leur vingtième anniversaire avec un actif sous gestion d’au moins cinq milliards de dollars et des résultats à valeur ajoutée.

Il faut bien du courage, de la confiance en soi, et de l’énergie pour créer une entreprise dans notre secteur d’activité. Et personne ne veut échouer. Alors que se passe-t-il? Pourquoi la plupart des sociétés s’écartentelles du droit chemin?

Et que peut-on faire pour améliorer les chances de réussite?

Aujourd’hui, en utilisant Gestion d’actifs Burgundy à titre d’exemple, je parlerai des facteurs comme les valeurs et la culture qui, à mon avis, sont essentiels à la réussite d’une entreprise.

Burgundy gère activement des portefeuilles d’actions en se concentrant sur le rendement absolu à long terme. Nous utilisons une approche axée sur la valeur et gérons des portefeuilles assez concentrés qui comprennent généralement 25 entreprises et dont le taux de rotation est très faible. Nous nous efforçons de penser comme des copropriétaires d’entreprise et choisissons les placements selon l’écart entre le cours et la valeur économique estimative. C’est ce que Ben Graham appelle la « marge de sécurité ». Depuis la création de notre firme, nous détenons des placements dans quelques excellentes sociétés que nous admirons.

Nous sommes essentiellement une firme spécialisée en recherche, et la plupart de nos cadres ont de l’expérience en recherche. Burgundy gère des portefeuilles d’actions dans plusieurs régions, y compris aux États-Unis, en Europe, au Japon et au Canada. Depuis notre création, nous avons produit de solides rendements dans plusieurs marchés d’actions à petite capitalisation.

Notre approche de placement se fonde sur la valeur, la concentration du portefeuille et un horizon à long terme. Elle engendre inévitablement des périodes douloureuses de mauvais rendement. Pour bien traverser ces périodes, il est essentiel d’avoir une clientèle qui adhère à notre philosophie, plutôt que des investisseurs en quête de rendements élevés immédiats. Alors une firme comme la nôtre doit bien choisir ses clients. Comme l’affirme David Swensen dans son livre Unconventional Success, « sans le soutien loyal des investisseurs, même les meilleures sociétés d’investissement du monde ne peuvent pas générer de rendements supérieurs pour leurs clients » (traduction libre).

Nous gérons 8,0 milliards de dollars d’actifs pour des familles fortunées et des institutions, surtout des fondations. Notre équipe comprend 20 professionnels du placement et un total de 80 employés qui s’occupent des relations avec la clientèle, de la gestion, et de l’administration.

J’ai participé à la création de Burgundy en 1991 après 22 ans d’heureuse carrière à titre d’analyste, puis de directeur de la recherche et enfin, de cadre supérieur dans une grande maison de courtage canadienne.

Les firmes comme Burgundy exercent leurs activités dans un secteur exigeant. Monsieur le Marché est un adversaire de taille : au fil du temps, bien moins de 50 % de ses opposants réussissent à le battre. À moins d’avoir un avantage concurrentiel, les chances d’y arriver sont minces. Dans les milliers de sociétés de notre secteur, il y a beaucoup de personnes très intelligentes et scolarisées qui travaillent avec acharnement pour essayer d’obtenir un avantage concurrentiel. John Maynard Keynes a comparé le monde des placements au jeu de cartes d’enfants appelé « Dame de pique ». Vous vous souviendrez que dans ce jeu, chacun essaie de déjouer les autres et de deviner qui détient la carte principale. De même, dans le monde des placements, bien des participants essaient de deviner quelles cartes détiennent les autres concurrents. Ils devraient plutôt s’intéresser à la valeur des sociétés dans lesquelles ils investissent et comparer les évaluations aux cours sur les marchés boursiers.

Comment les sociétés de notre secteur d’activité peuvent-elles se procurer un avantage concurrentiel?

Ce que je vais expliquer aujourd’hui, c’est que certains des facteurs importants conférant un avantage concurrentiel à une société d’investissement n’ont rien à voir avec l’argent. En fait, le titre de mon allocution est « C’est plus qu’une question d’argent ». Ce qui importe, ce sont des choses qui ne se touchent pas, qui ne se voient pas et qui sont intangibles; elles ne peuvent que se ressentir. Au cœur de la réussite de toute société de notre secteur se trouve un ensemble de valeurs fondamentales, c’est-à-dire des croyances bien ancrées, qui représentent son essence même, son âme, ou sa culture. Ces valeurs et croyances forment, à mon avis, le ciment de l’entreprise. C’est ce qui lui permet à la fois d’attirer et de retenir des personnes d’exception, et d’obtenir un avantage concurrentiel.

Je vais décrire ici les sept valeurs fondamentales qui, d’après mes observations, contribuent à la réussite dans le domaine de la gestion des placements.

1. LE CLIENT D’ABORD

La première valeur fondamentale que respectent les sociétés d’investissement d’exception consiste à accorder la priorité au client. Cela semble évident, mais bien des entreprises du secteur des placements ne le font pas, et certaines, en raison de leur nature, ne peuvent pas toujours le faire.

Les gros conglomérats financiers ont, de toute évidence, des défis à relever à cet égard. Les organisations qui cherchent à vendre à leurs clients divers fonds ou services ont inévitablement un parti pris. Une banque internationale qui vend son propre fonds de couverture plutôt qu’un fonds externe traditionnel en est un exemple évident.

Dans certaines sociétés, les objectifs de vente prennent le pas sur les efforts visant à maximiser le rendement et optimiser le risque pour le client. C’est une situation courante dans la plupart des sociétés. Comme je l’expliquerai plus tard, dans notre firme, nous avons délibérément choisi de limiter la croissance de l’actif dans les fonds lorsque des actifs supplémentaires risquent de réduire le rendement pour nos clients au fil du temps.

À mon avis, les fonds de couverture ont tendance à prendre de gros risques en échange de frais démesurément élevés. Je pense que cela peut facilement mener à une prise de risque excessive. En d’autres termes, le client assume davantage de risque et le gestionnaire est mieux rémunéré.

La meilleure façon de servir le client consiste à harmoniser les intérêts de la firme avec ceux des clients.

Cette synergie entre les intérêts du client et ceux de la firme est renforcée lorsque les employés investissent la totalité ou la quasi-totalité de leur argent dans la firme; c’est la façon dont Burgundy fait les choses. Nous estimons que 90 % de la valeur nette liquide des employés de Burgundy est investie dans la firme. Ainsi, nous joignons l’acte à la parole. Nous avons aussi tendance à tenir particulièrement compte du traitement fiscal, ce qui ajoute de la valeur pour le client, et nous déployons beaucoup d’efforts afin de minimiser les multiples coûts qu’engendre la rotation des titres, comme l’impôt sur les gains en capital.

2. DES EMPLOYÉS D’EXCEPTION

La deuxième valeur fondamentale qui assure la réussite d’une société d’investissement est l’accent sur le recrutement, le développement et la rétention d’employés d’exception. J’ai constaté au fil du temps que les meilleurs employés cherchent toujours à embaucher des employés meilleurs qu’eux-mêmes.

Je dis souvent : « Les meilleurs embauchent les meilleurs. Les gens de deuxième catégorie embauchent des gens de troisième catégorie ». J’ai constaté ce phénomène à maintes reprises dans différentes organisations. La plupart des gens manquent d’assurance pour embaucher des employés qui les surpassent. Mais les personnes d’exception ont confiance en elles, font taire leur ego, embauchent des personnes qui les surpassent et voient ce choix comme une voie vers la réussite.

À titre de chef de la direction de Burgundy, les employés sont de loin ma plus grande priorité.

Quand nous embauchons, nous cherchons les plus grands talents que nous puissions trouver. Nous estimons que la qualité du personnel est un aspect qui peut devenir un avantage concurrentiel pour la firme.

Lorsque nous examinons une nouvelle candidature, nous évaluons tout d’abord le « caractère ». Parce que nous gérons l’argent des autres, nous pensons qu’il est essentiel de chercher des personnes qui ont des principes, qui font preuve de retenue, et qui sont stables. Lorsque je reçois une personne en entrevue, je me demande toujours si elle représentera bien notre firme. Pour évaluer sa personnalité, nous essayons d’obtenir beaucoup de renseignements au sujet de sa famille et de ses champs d’intérêt, et de savoir comment cette personne se comporte devant l’adversité (ce qui est inévitable dans une firme qui vise à surpasser le marché et qui, à coup sûr, traversera des périodes difficiles de mauvais rendements). Les gens qui ont des antécédents plutôt humbles et qui ont connu des difficultés ont sans doute un avantage du point de vue du tempérament.

D’un point de vue plus personnel, nous veillons toujours à ce qu’un cadre de la firme partage un repas avec le candidat et sa conjointe ou son conjoint, car c’est révélateur de sa façon de traiter d’autres personnes.

La libre pensée est aussi importante. Le tempérament et la volonté de sortir du lot sont des qualités essentielles pour être capable d’appliquer une stratégie de placement comme la nôtre, qui est souvent anticonformiste et en décalage par rapport aux conditions sur le marché. Nous nous posons les questions suivantes : « Cette personne aura-t-elle le courage de ses convictions? » Que peut-elle dire au sujet de l’actualité? Ce candidat se contente-t-il de régurgiter les nouvelles ou a-t-il une opinion plus profonde et réfléchie? J’aime poser aux gens des questions au sujet de leurs habitudes de lecture et chercher des signes d’ouverture d’esprit et de curiosité intellectuelle. Dans notre firme, la lecture est en quelque sorte le sport d’entreprise.

En plus d’évaluer l’intégrité, la curiosité intellectuelle, le potentiel et le discernement des candidats, nous vérifions aussi leur capacité de raisonnement. Nous faisons toujours passer un test aux candidats à un poste d’analyste : nous leur confions un dossier portant sur une société pendant quelques jours et nous leur demandons de revenir avec une évaluation de cette société. Intentionnellement, nous ne leur donnons pas beaucoup de directives, car nous voulons savoir ce qui suit :

  • Sont-ils débrouillards? Se contentent-ils de regarder les sites de relations avec les investisseurs des entreprises ou de lire des rapports de courtiers, ou vont-ils au-delà des sources d’information évidentes?
  • Ont-elles une pensée originale?
  • Quels faits sont les plus importants à leurs yeux?
  • Communiquent-ils bien leurs observations?
  • Cette candidate sait-elle bien répondre à des questions improvisées et difficiles?
  • Comment réagit-il au stress?

Enfin, nous recherchons des gens ayant des profils de scolarité diversifiés. Des études en mathématiques constituent une bonne formation, et nous avons plusieurs analystes qui détiennent un diplôme d’ingénieur. Nous avons aussi un analyste diplômé en foresterie et un autre, en agriculture. En gros, nous n’avons pas de règle stricte concernant le bagage de connaissances. Nous pensons que la diversité est vraiment souhaitable. Chez nous, il y a aussi une diversité culturelle, et nous estimons que c’est un gros avantage puisque la firme investit de plus en plus à l’échelle internationale.

L’expérience en affaires est aussi un atout, mais Burgundy a embauché à la fois des analystes chevronnés et d’autres sans expérience. Cependant, nous avons de plus en plus tendance à former nos propres employés. Nous pensons éviter ainsi que nos employés aient de mauvaises habitudes ou appliquent des styles inappropriés. Cette pratique raffermit également la culture d’entreprise.

Voler du personnel à d’autres firmes n’est vraiment pas notre mode de fonctionnement. Si vous êtes réellement bons, des gens d’exception viendront à vous et vous pourrez développer votre propre patrimoine génétique!

La formation du personnel exige beaucoup de temps et bien des entreprises ne sont pas prêtes à développer patiemment leurs ressources humaines, mais nous croyons que c’est très avantageux à long terme.

3. UNE RÉMUNÉRATION INCITATIVE

Troisièmement, pour créer une société d’investissement prospère, je pense qu’il est très important d’établir une structure de rémunération incitative. Dans notre firme, la rémunération n’est pas établie d’après une formule, mais d’après la contribution globale de l’employé.

Une part importante du bénéfice d’exploitation de notre firme est affectée à ce que nous appelons les primes au mérite. Chaque personne fait l’objet d’une évaluation annuelle détaillée, et nous établissons de notre mieux sa contribution à l’ensemble de la firme. Il y a aussi de petites évaluations en milieu d’année. En collaboration avec notre président, Richard Rooney, j’approuve le montant final de la prime.

Pour les gestionnaires de portefeuille, le rendement à long terme est un facteur déterminant. Mais nous nous demandons aussi s’ils sont de bons partenaires, s’ils apprennent aux analystes à les aider, s’ils s’engagent dans la collectivité, s’ils sont de bons communicateurs.

Je pense que ce type de rémunération, établie en fonction de la contribution totale du gestionnaire envers la firme, permet de créer une solide structure incitative à long terme, en ajoutant aussi des primes à court terme.

Bien des sociétés ne sont pas prêtes à mesurer la réussite de leurs employés de cette façon ni capables de le faire. L’évaluation de la performance, la rémunération et la résolution de problèmes sont des activités qui prennent beaucoup de temps. Chaque année, je passe un mois entier à m’occuper de l’évaluation de la performance et de la rémunération. À ce jour, aucun gestionnaire de l’équipe de placement ne nous a quitté pour un concurrent. Ceci démontre que nous devons bien traiter nos gens.

Je doute que les grandes sociétés ayant des centaines ou des milliers d’employés puissent aussi le faire. C’est un avantage dont jouissent les petites firmes.

Offrir une rémunération incitative est, de toute évidence, un facteur important de réussite pour les sociétés d’investissement. Mais ce n’est qu’un début. Il importe également de motiver les employés en créant la bonne culture.

4. UNE CULTURE D’ENGAGEMENT

Le quatrième facteur de réussite d’une société consiste à instaurer un climat dans lequel des professionnels du placement exceptionnels peuvent s’épanouir. Le climat que nous voulons créer en est un qui incite fortement à travailler avec acharnement et discernement dans un milieu où règne le respect et la confiance entre collègues. Souvent, les têtes dirigeantes des sociétés d’investissement ne se soucient pas de créer un climat favorable. Parfois, il n’y a pas de plan de relève. Il arrive que le fondateur ou président soit incapable de céder les rênes ou d’admettre qu’une autre personne peut faire son travail aussi bien ou mieux. Un employé clé pourrait finir par quitter ce genre de société – souvent parce qu’il s’y estime traité inéquitablement ou privé d’occasions de progresser.

Un des traits caractéristiques d’un milieu propice à l’engagement est l’enthousiasme qui y règne. Il est très important d’éprouver de la passion pour ce qu’on fait, mais aussi d’avoir une soif de grande réussite. Nous souhaitons embaucher des gens qui veulent gagner! Nous recherchons aussi des personnes assez passionnées pour tenir compte de toutes les facettes des décisions de placement, qui cherchent à obtenir l’opinion de tiers, qui font l’impossible pour trouver de l’information inédite et qui portent attention aux détails.

Un autre trait d’un milieu propice à la réussite est une culture de rigueur au travail. Dans notre firme, nous n’avons pas d’heures de travail fixes ni de règles multiples concernant les vacances. Nos employés travaillent dur et prennent congé quand ils en ont besoin. Je pense que ces normes reflètent essentiellement le comportement des dirigeants de la firme.

L’encouragement à la prise de risque est aussi un trait d’un milieu propice à la réussite dans le domaine des placements. On parle ici d’un milieu compréhensif où les gens n’ont pas peur de prendre des risques ou de faire des erreurs. Nous acceptons l’échec à condition que la démarche ait été appropriée. Nous approuvons les échecs réfléchis.

C’est un environnement qui favorise une vision à long terme. Je dirais qu’il s’agit d’un milieu à la fois compétitif et convivial.

Nous saluons aussi les réussites et célébrons les accomplissements personnels (mariages, naissances, etc.), les réalisations professionnelles et lorsque de nouveaux clients se joignent à nous.

Enfin, nous aspirons à créer un milieu d’apprentissage et de mentorat dans lequel les professionnels du placement chevronnés se comportent comme des enseignants et les analystes les plus jeunes, comme des apprentis. Il y a bien des occasions de parfaire sa formation dans notre secteur d’activité, et nous encourageons les gens à se prévaloir des programmes offerts par le CFA Institute, les universités et la profession comptable.

Nous sommes de grands adeptes des « lac-à-l’épaule » dans lesquelles on discute de placement et d’affaires. La retraite annuelle de notre firme dure deux jours et tous y participent. Au fil des ans, elle a généré son lot de bonnes idées. À ma ferme, j’organise de courtes retraites pour discuter de sujets particuliers et faire naître de belles amitiés.

Les traits caractéristiques que je viens de mentionner peuvent sembler flous et difficile à définir. Comme pour une œuvre d’art, je pense qu’on sait en la voyant si c’est un chef d’œuvre.

En même temps, je pense que le « bon » milieu peut être fragile. Quelques personnes mal choisies pourraient facilement l’« envenimer » et, en pareil cas, le problème doit être corrigé rapidement. Une perte de confiance entre les professionnels de la firme et ses dirigeants, par exemple, pourrait être très dommageable là où la rémunération est établie sur des bases qualitatives. Alors, il ne faut pas tenir pour acquis le climat qui règne actuellement dans la firme.

Trop d’efforts pour systématiser et organiser les choses peuvent aussi entraver l’esprit d’intrapreneuriat. J’ai toujours approuvé cette belle remarque de Peter Drucker : « Il n’y a rien d’aussi inutile que de faire efficacement ce qui ne devrait pas être fait du tout ». Je pense que cette remarque en dit long sur certains enjeux dans le secteur des placements.

5. L’OCCASION D’OBTENIR UNE PARTICIPATION DANS LA FIRME

Le cinquième facteur de réussite d’une société d’investissement est d’offrir aux employés méritants l’occasion d’être propriétaire.

Un article publié en 2005 dans la Harvard Business Review intitulé « Every Employee an Owner. Really. » (Chaque employé, un propriétaire [vraiment]) affirmait que de multiples études prouvent que l’actionnariat élargi, lorsque bien fait, engendre une hausse de la productivité, une diminution du roulement de personnel, le recrutement de meilleurs candidats et une augmentation des profits.

Les principaux professionnels du placement de Burgundy détiennent une bonne part de la firme.

Et nous ne réservons pas l’actionnariat à nos professionnels de haut niveau. Pouvoir donner à un jeune analyste la possibilité de détenir une véritable participation dans la firme constitue un avantage concurrentiel hors pair pour les entreprises indépendantes, non cotées en bourse. Après tout, qui travaillerait plus fort pour les autres qu’il le ferait pour lui-même?

Enfin, nous estimons avantageux d’offrir des actions au personnel des autres services qui ont bien performé et incarné les valeurs de la firme. Je me rappelle encore le changement que j’ai observé chez une de nos employées — une adjointe administrative de longue date — lorsqu’elle a acquis sa première action. Son dévouement pour la firme s’est raffermi et elle y ajoute de la valeur chaque jour. Même si elle ne détient que quelques actions, le fait d’être propriétaire a changé sa vie. Elle travaille avec un entrain qui se voit réellement.

Alors voici ce que je conseille.

  • Dans la répartition de l’actionnariat, les dirigeants ne doivent pas être trop gourmands.
  • L’achat et la vente d’actions doivent se faire avec une grande transparence d’après une formule d’évaluation simple.
  • Au besoin, il faut prévoir du financement pour les nouveaux actionnaires. (Il est souhaitable que les employés puissent acheter des actions en fonction de leur mérite et non pas en fonction de leur capacité de payer.)

6. LE CONTRÔLE DE LA CROISSANCE DE L’ACTIF

Sixièmement, pour favoriser la réussite d’une société d’investissement axée sur le rendement, il faut contrôler la croissance de l’actif.

Il est extrêmement tentant de croître et de le faire rapidement. Mais le fait est que les stratégies qui ont assuré la réussite d’une société risquent de ne plus être aussi efficaces lorsque cette société aura pris trop d’expansion.

Les sociétés qui obtiennent des rendements exceptionnels au fil du temps ne peuvent y arriver qu’en conservant la taille de l’actif sous un seuil précis. Les meilleurs rendements proviennent souvent de catégories d’actifs qui sont par définition peu efficientes et pour lesquels la taille de l’actif sous gestion est un important facteur restrictif.

Par exemple, parmi toutes nous stratégies, nous avons généré un rendement relatif intéressant du côté des actions à petite capitalisation au Canada, aux États-Unis et au Japon. C’est un domaine dans lequel il est vraiment avantageux de faire une recherche approfondie sur de petites entreprises.

Malheureusement, ces placements ne peuvent se faire qu’avec de petites sommes d’argent. Les sociétés avisées, qui veulent protéger leur solide feuille de route, comprennent ces limites et ferment la stratégie aux nouveaux clients.

Lorsque la croissance est rapide, les dirigeants d’une société trop grande et trop complexe ne peuvent plus se concentrer sur les placements. Les impératifs liés aux affaires et à la croissance deviennent prioritaires. Il faut consacrer plus de temps aux plans d’affaires et moins à la recherche de placement. La haute direction s’intéresse davantage aux affaires qu’au placement. On se préoccupe davantage du revenu tiré des frais que du rendement des placements.

En optant pour la croissance par la vente à une société plus importante, le contrôle de la croissance devient impossible. Les nouveaux actionnaires voudront voir de la croissance, idéalement chaque trimestre; or, la gestion d’une société d’investissement sur une base trimestrielle n’est certes pas souhaitable pour les clients. Le nouveau propriétaire risque aussi de ne pas être à l’aise avec les stratégies anticonformistes vraiment nécessaires pour engendrer des rendements exceptionnels à long terme, ce qui vous forcera à réfréner cette audace qui avait fait votre réussite antérieure.

Lorsqu’une société d’investissement s’introduit en bourse — ce qui est courant de nos jours —, les responsables des relations publiques ont toujours une belle histoire à raconter aux clients. En réalité, les fondateurs de l’entreprise voulaient monétiser leur participation. À long terme, c’est rarement avantageux pour les clients. D’ailleurs, ce n’est probablement pas souhaitable du point de vue du recrutement, de l’engagement et de la rétention du personnel. L’appel public à l’épargne ne favorise sans doute pas l’adoption d’une perspective de placement à long terme ni la volonté de tolérer les périodes de mauvais rendement.

En ce qui a trait à la croissance, je me rappelle ce que Benjamin Graham, le gourou du placement, a écrit dans L’Investisseur intelligent en 1973 : «Les perspectives d’expansion d’une entreprise ne se traduisent pas en profits sûrs pour les investisseurs. » Je pourrais ajouter : « ni pour leurs clients ».

Chaque année, je reçois des appels de sociétés financières ou d’entreprises « multi-boutiques » qui veulent acheter Burgundy. Aussi longtemps que je serai là et actif au sein de la firme, nous resterons une société indépendante et détenue par ses employés, et nous limiterons notre croissance; mes collègues voient les choses du même œil. Je pense simplement que c’est ce qu’il faut faire.

Ce dont je parle ici ─ à savoir limiter la croissance de l’actif et rester une société indépendante en vue d’optimiser le rendement et d’agir dans l’intérêt supérieur du client ─ signifie que la firme n’applique pas une stratégie de maximisation du profit. Nous pensons que c’est la bonne chose à faire.

En raison de mes convictions sur la gestion de la croissance, je suis convaincu que la firme doit être dirigée par des professionnels du placement, et non par des spécialistes en marketing ou des gens d’affaires. Les sociétés d’exception n’ont pas besoin de beaucoup de marketing. Dans notre cas, la plupart de nos clients sont des références d’autres clients. Nous n’avons pas de vendeur, et les employés chargés des relations avec la clientèle ne reçoivent pas de rémunération directement liée aux ventes.

Nous pensons que de bons rendements sur les placements, un service de qualité et une bonne réputation nous attireront autant de clients que nous pouvons en servir. Ce sont là les trois approches que privilégie Burgundy.

7. UNE RÉPUTATION BIEN ASSISE

Septièmement, pour garantir la réussite d’une société d’investissement, il faut se bâtir une solide réputation et la protéger coûte que coûte. Les entreprises extraordinaires savent que tout repose sur leur réputation. Avec votre historique de rendement et vos employés, c’est votre atout le plus précieux. Warren Buffett affirme toujours que le meilleur test, c’est de vous demander comment vous vous sentiriez si vos proches prenaient connaissance de vos actions en ouvrant le journal.

Malheureusement, il y a des sociétés raisonnablement bien établies, pourvues d’une feuille de route crédible en matière de placement, ayant atteint la masse critique et jouissant d’une bonne réputation qui deviennent parfois trop arrogantes. Un amour-propre démesuré peut engendrer des excès, une diminution de l’éthique ou de la négligence à l’égard des clients. Un climat d’insouciance peut s’installer et la réputation de la société se ternir graduellement.

Il n’y a pas de place pour la fierté excessive chez nous. Notre objectif a toujours été de nous efforcer d’être la référence absolue parmi les sociétés d’investissement, et je peux vous assurer que nous sommes encore loin du compte. Comme l’a déjà dit Winston Churchill, « nous sommes des gens humbles et avons bien des raisons de l’être. » (traduction libre)

Forger la réputation d’une société exige la mise en œuvre de toutes les mesures que j’ai décrites aujourd’hui. Il faut accorder la priorité au client, embaucher les meilleurs candidats et bien les traiter, donner aux employés la possibilité de devenir actionnaires et contrôler la croissance de l’actif.

CONCLUSION

En somme, les sociétés d’investissement prospères savent que pour obtenir un avantage concurrentiel susceptible de se traduire par de bons rendements sur les placements, il ne suffit pas d’offrir les salaires les plus élevés. C’est l’ensemble des valeurs et des attitudes au sein de la société qui en crée le cadre de référence et le ciment pour les employés. Les bonnes sociétés d’investissement sont des entreprises lucratives. Mais il n’est pas facile de réussir dans ce secteur d’activité! La présence de facteurs intangibles est essentielle pour créer un climat dans lequel des employés vraiment exceptionnels voudront travailler.

Les caractéristiques fondamentales qui font la réussite d’une société d’investissement et que j’ai décrites aujourd’hui sont des principes relativement généraux. Mais, comme l’affirme Gary Hamel dans son livre intitulé The Future of Management, « il est difficile et laborieux de traduire de beaux principes en pratiques de gestion quotidiennes. Il faut avoir une foi indéfectible en leurs fondements. » (traduction libre) C’est plus facile d’en parler que de le faire, un peu comme la perte de poids.

Cette approche exige un ferme engagement de la part des dirigeants de la société à l’égard des employés et des questions organisationnelles. Les valeurs doivent aussi être comprises, intégrées et incarnées par chacun. Lorsqu’on y arrive, l’organisation a véritablement un esprit, une âme.

Et c’est ce qui garantit la pérennité d’une société d’investissement.

Donc, en créant votre société, sachez qu’il n’y a pas que l’aspect matériel ou les capitaux investis qui importent. La brique et le mortier d’une société d’investissement, ce sont les facteurs intangibles… utilisez ces éléments fondamentaux pour bâtir votre société et vous aurez une société qui survivra à l’usure du temps. Merci et bonne chance !

 


La présente publication est présentée à titre illustratif et aux fins de discussion seulement. Elle ne constitue pas des conseils de placement ni ne tient compte des objectifs, des contraintes et des besoins financiers qui vous sont propres. Cette publication ne vise aucunement à vous inciter à synchroniser le marché d’une façon ou d’une autre ni à prendre de décisions de placement fondées sur son contenu. Certains titres peuvent être utilisés comme exemples pour illustrer la philosophie de placement de Burgundy. Les fonds ou les portefeuilles Burgundy peuvent détenir ou non ces titres pendant toute la période indiquée dans les exemples. Les investisseurs doivent noter que leurs placements ne sont pas garantis, que leurs valeurs fluctuent fréquemment et que les rendements passés peuvent ne pas se reproduire. La présente publication ne constitue pas une offre de placement selon l’une ou l’autre des stratégies d’investissement présentées par Burgundy. Les renseignements contenus dans cette publication représentent l’opinion de Gestion d’actifs Burgundy Ltée ou de ses employés à la date de publication et peuvent changer sans préavis. Veuillez consulter la section Mention juridique du site Web de Burgundy pour obtenir de plus amples renseignements.